Historique

Des origines à 1147

L’origine de Tournan reste indéterminée et remonte à la plus haute antiquité. Des silex préhistoriques trouvés dans les environs laissent penser que cette partie de la Brie était habitée.
On prétend que ce nom de Tournan vient du mot celtique TURN ou TORN dont on ignore la véritable signification mais rien ne le constate : les guerres et les calamités publiques ont fait disparaître toutes les pièces authentiques qui pouvaient donner quelque lumière à cet égard.
Dans les anciens actes, Tournan est désigné sous les noms de TURNIHAMUS, TURNIACUM, TORNEMIUM, TORNAN, TORNAM puis TOURNON et quelquefois TOUNHEIM.
Si l’on doit se rapporter à une ancienne tradition, la terre de Tournan viendrait d’ancêtres de Sainte Fare, abbesse du diocèse de Meaux. Le père de Sainte Fare n’était autre qu’Agnéric, l’un des principaux officiers de la cour de Théodebert, roi d’Austrasie. Ce serait donc dans cette famille qu’il faudrait chercher les premiers seigneurs de Tournan.
Sainte Fare, fondatrice du couvent de Faremoutiers, fonda un monastère à Tournan qui était une colonie de celui de Faremoutiers. Les religieuses l’abandonnèrent durant l’invasion des Normands au IXe siècle. Tournan et le monastère furent ravagés.
L’Evêque de Paris ayant retiré les biens de ce couvent dont les mains étrangères s’étaient emparées, en devint le premier seigneur et y établit des chanoines qui n’y restèrent pas longtemps puisque nous voyons qu’en 1088, Guy de Vitry et Havise sa femme, donnèrent du consentement des chanoines aux moines de St Maur l’église Saint-Denis de Tournan.
Cette église de Saint-Denis, dans le vieux château, est un monument du XIIIe ou du commencement du XIVe siècle qui n’a rien de remarquable. Les prieurs de Saint-Denis jouissaient de prérogatives assez considérables : en 1192, Anseau II de Garlande, seigneur de Tournan, avait reconnu que les moines avaient toute justice dans ses terres, que ceux qui demeuraient sur ses terres ne lui devaient pas de corvées ni n’étaient tenus de moudre à son moulin, enfin qu’il ne pouvait s’établir aucune école dans la paroisse de Tournan sans la permission du Prieur.
L’église de la Madeleine, construite avant le XIe siècle, était la seule paroisse de Tournan, l’église Saint-Denis ne servait qu’aux moines de Saint-Maur pour faire l’office divin et comme la Madeleine leur était soumise, ils ne permettaient pas qu’on la regarda autrement que comme une chapelle.
Cette église a été détruite à la Révolution et le culte maintenant s’exerce depuis le concordat à la paroisse de Saint-Denis.
Les Evêques de Paris ont toujours conservé quelques droits sur la seigneurie de Tournan qui faisait partie du diocèse de Paris avant de faire partie de celui de Meaux. Ils donnaient l’investiture au nouveau seigneur en lui mettant au doigt un anneau, droit qui leur fut confirmé par une charte de Philippe Auguste, donné à Paris au mois de mars 1185 et le seigneur de Tournan avait la singulière prérogative d’être un de ceux qui portaient le nouvel évêque à son entrée au siège épiscopal.
Le plus ancien seigneur de Tournan dont on ait connaissance est Guy ou Guillaume. Il vivait en 1088, son fils Manasé lui succéda et Guy, son petit-fils voulant entreprendre le voyage de Palestine vendit en 1147 la terre de Tournan à Guy de Garlande.

De 1147 A 1293 : Les seigneurs de Garlande

La maison de Garlande posséda cette terre sous sept seigneurs jusqu’en 1293 :
1- Guy de Garlande qui vivait encore en 1186,
2- Anseau I de Garlande dont on n’a aucun titre,
3- Anseau II de Garlande qui vivait en 1192,
4- Robert de Garlande,
5- Anseau III de Garlande de 1246 jusqu’en 1255.
Jean de Garlande, frère de ce dernier seigneur, ayant rendu hommage à l’Evêque de Paris pour la partie qu’il avait dans la seigneurie de Tournan, le prélat voulut lui donner l’investiture en lui remettant enter les mains un bâton ou un fétu, mais Jean ne voulut point l’accepter, disant qu’il voulait être mis en possession par la réception d’un anneau d’or, ce que l’Evêque refusa de faire.
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6- Anseau IV de Garlande vers 1257 jusqu’en 1287 où il mourut sans postérité,
7- Jean de Garlande, son neveu, lui succéda et ce fut de lui et de sa femme Agnès que Pierre Chambly, chevalier, acquit en 1293 suivant un acte revêtu du sceau de l’Evêque de Paris et de ceux des abbés Lagny et de St Maur, parties intéressées, les châtellenies et ville de Tournan et les seigneuries de Marles, Fontenay, Favières et Combreux.

De 1293 à 1762

La terre de Tournan fut ensuite démembrée et l’Abbé Lebœuf, historien de l’Evêché de Paris, pense que Pierre de Chambly l’a peu à peu transportée à Charles, Comte de Valois, 3e fils de Philippe le Hardi et père de Philippe VI de Valois, qui la donna avec sa chatellenie en 1343 à Jean, son fils aîné, Duc de Normandie.
En 1350, Odard de Ruti s’engage à garder pour le Roi le château de Tournan.
En 1352, le dauphin qui devait être Charles V prenait le titre de premier roi de France, Dauphin du Viennois, seigneur de Tournan. En 1446, Charles VI fait don de la terre de Tournan à Audry de Cassal dit le Lombard.
En 1467, Louis XI en assigne la capitainerie et le revenu à Ch. Dubuz, écuyer du Roi. En 1529, François Ier donne à François d’Escars, seigneur de la Vauguyon, Tournan et d’autres terres en place de terres lui appartenant qu’il avait cédées pour le roi à l’empereur Charles Quint d’après le traité du 5 août 1528. En 1544, François Ier établit son quartier général à Tournan au château et à Armainvilliers pour s’opposer à la marche de Charles Quint ligué avec Henri VIII et dont les coureurs s’étaient avancés jusqu’à Coulommiers.
En 1562, Nicolas Durand de Villegagnon est seigneur de Tournan. Vingt-deux ans plus tard, la terre de Tournan fut engagée au Comte de Lignées, puis à Nicolas Lesueur. En 1639, elle fut vendue à Jean-Louis de Lavalette, Duc d’Epernon ; en 1641, Michel Arboult en devint possesseur ; en 1669, Henri de Beringhem, 1er écuyer du roi est seigneur d’Armainvilliers, de Tournan, de Gretz… Ce fut lui qui, rentré en France, jeta les fondations du château d’Armainvilliers. Son fils, Jacques Louis de Beringhem, Comte de Châteauneuf et du Plessis Bertrand, acheva le château d’Armainvilliers et ce fut à cette occasion que des lettres patentes de juin 1704 érigèrent en Comté sous les noms de Comté d’Armainvilliers, les terres de Tournan et de Gretz-Armainvilliers. Ce Jacques Louis de Beringhem fut enlevé par un capitaine hollandais en 1707, croyant enlever le Dauphin. Louis XIV fit poursuivre les ravisseurs et les pris à quatre lieues de Ham.

De 1762 à la révolution

En 1762, les terres de Tournan-Armainvilliers furent achetées par Louis XV. Il avait fait cet achat car il voulait réunir à la couronne la principauté de Dombes et il voulait donner une compensation suffisante à Louis Charles de Bourbon, Comte d’Eu, fils puîné du Duc du Maine qui avait hérité de cette principauté à la mort de son père. L’échange eut lieu et le Comte d’Eu reçut le Comté de Gisors et plusieurs terres considérables, notamment Armainvilliers.
Il augmente de beaucoup l’importance d’Armainvilliers et s’il faut en croire Piganiol de la Force, Armainvilliers était, à cette époque, une demeure splendide. A la mort du Comte d’Eu, Armainvilliers passa au Duc de Penthièvre, fils du Comte de Toulouse. Ce fut ce dernier prince qui prit le titre de seigneur de Tournan au milieu de la tempête révolutionnaire ; il conserva sa popularité mais, cependant, la mort tragique de sa belle-fille, la princesse de Lamballe, empoisonna ses derniers jours. Il mourut le 4 mars 1793.

LA REVOLUTION
La pénurie de blé
L’hiver 1788 a été on ne peut plus rigoureux, la misère se fait grande à Tournan. Le marché est de plus en plus troublé par des spéculations et des pénuries de marchandises.
La ville devient totalement dépourvue de blé et de farine, les boulangers ne peuvent plus fournir les habitants, le tumulte est grand. Devant les plaintes répétées, une requête est remise à l’archevêque de Paris. Le Duc de Penthièvre, informé des difficultés de la ville, fait don de 3.000 livres pour aider à l’alimentation des habitants.

La population manifeste de plus en plus, des habitants d’Ozoir s’approchent de la ville, la gendarmerie nationale intervient le 26 avril 1792 et les municipalités de Tournan et de la Madeleine décident par arrêté de défendre la liberté du commerce contre les abus des spéculateurs.

L’émeute de Tournan
Le 22 février 1792, des habitants de Tournan, guidés par le citoyen Chemin créent la « Société des amis de la liberté et de l’égalité » affiliée au Club des Jacobins. Dans ses statuts, on peut lire : « je jure d’obéir à la loi, de défendre la République une et indivisible, …, d’être fidèle à la Société Populaire, en dénonçant les traîtres qui seraient à ma connaissance et de mourir à mon poste ».
Le curé Pluquet de Tournan allait être une de leurs premières victimes. De son sermon du 16 septembre 1792, trois mots sont rapportés à Chemin : couronnes, crimes, cœur des rois. C’en est trop pour Chemin qui jure la perte du curé. Une dénonciation est rédigée mais la population défend son curé et Chemin est malmené. Dans la nuit, avec Manens, il s’enfuit vers Paris. Au Comité de surveillance de la Convention nationale, il porte plainte contre la municipalité de Tournan et le ministère de l’Intérieur, alerté, donne ordre au département de Seine-et-Marne de prendre les mesures nécessaires : le nom de Pluquet est alors inscrit sur la liste des suspects.
Le Conseil général convoque la municipalité, suspend le maire et procureur de Tournan, fait dénoncer Pluquet à l’accusateur public. Mais les habitants refusent de capituler. Le 28 octobre, 150 soldats, 2 pièces de canon et 2 commissaires raccompagnent Chemin et Manens à Tournan. Incarcéré, le curé Pluquet est jugé en février 1793. Finalement acquitté, il revient à Tournan avec sa tête sur les épaules mais combien à cette époque n’ont pas eu cette chance !

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Tournan-l’Union
La Madeleine et Tournan étaient à cette époque deux communes voisines séparées par la Marsange, avec chacune son église, Sainte Madeleine et Saint-Denis de Tournan. Elles ont décidé de fusionner. Devant un public en liesse, l’union a été réalisé au cri de : « il n’y a plus de Marsange, vive Tournan l’Union ». La fusion eut lieu le 29 vendémiaire de l’An II (20 octobre 1793). A cette occasion, les noms des rues sont changés pour prendre des consonances plus révolutionnaires. Elles reprendront plus tard leur nom d’origine. Sauf deux : la rue de la République et la rue de la Montagne (ainsi nommée en référence aux Montagnards, groupe de députés de la Convention qui siégeaient sur les gradins les plus élevés de la salle des séances de l’assemblée).

Après la révolution

Louise, Marie, Adélaïde, fille du Duc de Penthièvre, mariée à Philippe d’Orléans, hérita d’Armainvilliers mais n’en fut pas longtemps en possession car elle fut dépossédée par les décrets du 1er août et du 17 septembre 1793 qui frappèrent de confiscation tous les biens de la veuve Joseph Philippe d’Orléans expulsée.
Armainvilliers devenu ainsi propriété nationale eut la honte de subir le morcellement et de la vente au détail ; la forêt valait trop cher pour trouver acquéreur, l’Etat en fit son affaire. Mais le château, le parc, l’avenue et l’étang furent sous adjudication le 9 germinal, An VI, et acquit par le citoyen Barbereau.
Ses propriétaires successifs furent les époux Fornier puis un Monsieur Bailleux qui le vendit à Madame veuve Blanchard et son gendre. En 1850, Hermine de Verteillac, Duchesse de la Rochefoucauld-Doudeauville, veuve en premières noces du dernier prince de Condé, s’en rendit acquéreur. Aidée de son mari, elle restaura l’ancien château.
Les héritiers de Madame Adélaïde étaient redevenus propriétaires d’Armainvilliers ; ils en furent dépossédés par le décret impérial du 22 juillet 1852. Les futaies mises en vente furent acquises par Emile Péreire. Il construisit un château qu’il baptisa sans façon Armainvilliers. Le Duc de la Rochefoucauld protesta et, à la suite d’un jugement rendu en 1863 dans lequel Jules Favre plaida pour le Duc, il fut décidé que la Duchesse de Doudeauville aurait seule le droit d’appliquer à l’ancienne demeure le nom de Château d’Armainvilliers. Ce jugement frappé d’appel fut rendu définitif en 1865 par suite du désistement d’Emile Péreire.
La Duchesse légua son château à son frère César Augustin de la Brousse, Marquis de Verteillac. Monsieur Péreire s’empressa de faire son offre à Monsieur de Verteillac qui dut la décliner : Monsieur de Rothschild avait pris les devants.

Les guerres Franco-Allemandes

1870-1871
Une garnison d’infanterie bavaroise occupa Tournan du 1er novembre 1870 au 24 juin 1871. Une ambulance dirigée par le Dr Forgemol de Bosquenard soigna pêndant la bataille de Champigny les blessés français et allemands dont certains ont été enterrés au cimetière communal.

1914-1918
Pendant la Grande Guerre, Tournan perdit 75 de ses enfants aux combats. Une victime civile figure sur le Monument aux Morts : Monsieur Denize, tué en mars 1918 par un obus de la Grosse Bertha devant la Gare de l’Est.

1939-1945
La Seconde Guerre Mondiale fit subir à Tournan le terrible bombardement du 22 juin 1944 qui tua 55 habitants, en blessa grièvement 90 et atteignit 287 maisons ou immeubles (1.200 impacts de bombes ont été dénombrés). A ces deuils s’ajoute la mort de plusieurs Tournanais tués au moment de la retraite allemande et d’autres morts au champ d’honneur ou en déportation, sans compter les 11 FFI fusillés à Villeneuve Saint-Denis en août 1944.

Tournan se modernise

Comme beaucoup de petites villes, Tournan a su profiter du progrès et apporter à la population plus de bien-être et de confort. En 1878, le gaz lui fut distribué, puis en 1895, le captage des sources du ru des Boissières lui apporta en abondance une eau de bonne qualité et, enfin, en 1927 l’électricité remplaça avantageusement l’éclairage au gaz, répandant dans toutes les rues et carrefours sa lumière. Un réseau d’égout, déjà construit au centre de l’agglomération, sera étendu par tranches successives à tous les quartiers de la localité.

Comme souvenir du Moyen-âge, Tournan conserve la porte monumentale de l’entrée du château des Garlande. Ce magnifique édifice, avec ses deux tours admirablement conservées, est un beau spécimen d’architecture médiévale que la municipalité utilise encore aujourd’hui. La mairie est installée dans un bâtiment le jouxtant et une des salles abrite la salle des mariages où le Conseil municipal se réunit en séance.